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Damien Dion : recherches lettristes
21 février 2007

Définitions lettristes

Lettrisme : 1. Mouvement d'avant-garde culturelle et artistique créé par Isidore Isou en 1945. Basé sur une volonté de création, il tend à transformer tous les domaines du savoir et de la vie par l'apport de réalisations inédites. Il s'attaque, donc, à des disciplines aussi variées que la poésie, le roman, les arts plastiques, le cinéma, l'économie politique, la philosophie, les sciences etc. Appelé aussi "hyper-créatisme". Pour plus de détails, rendez-vous sur le site officiel.
2. Premier courant esthétique du mouvement éponyme qui s'est d'abord attaqué à la poésie et la musique en dépassant la poésie à mots et la musique à notes des courants passés (romantisme, symbolisme, dadaïsme, surréalisme, bruitisme, dodécaphonisme...) en réduisant le matériel poético-musical à la lettre latine, organisée de manière écrite ou orale. Il s'est aussi attaqué aux arts plastiques (dès 1944) en proposant cette fois la lettre latine comme nouvel élément pictural, au même titre que le figuratif et le non-figuratif (abstrait), avant d'être englobé dans l'hypergraphie.

Hypergraphie : Deuxième courant esthétique du mouvement lettriste. Homologué en 1950, d'abord appelé "métagraphie". L'hypergraphie peut se définir comme un art basé sur l'organisation de l'ensemble des signes concrets de la communication visuelle (alphabétiques, lexiques, ou idéographiques) acquis ou possibles, existants ou inventés. Elle intègre notamment les processus de la calligraphie, de la typographie, du rébus, de la bande dessinée, les alphabets codés, les shémas dans un même bloc unitaire, une "super-écriture". Cette forme esthétique réunifie le roman et les arts plastiques qui avaient pris des chemins différents depuis l'apparition des premiers alphabets phonétiques. Appelée aussi "super-notation", "multi-écriture", ou "écriture intégrale", elle s'applique à l'ensemble des arts visuels (cinéma, photographie, théâtre, danse, mime, architecture).

Art infinitesimal : Troisième courant esthétique du Lettrisme, homologué en 1956. L'art infinitesimal se veut un dépassement de l'hypergraphie : en effet, les signes ne sont plus ici concrets mais imaginaires. De ce fait, la partie tangible, concrète de l'oeuvre devient un support-tremplin à l'imagination, à la pensée du spectateur. Par exemple, Oeuvre infinitésimale ou esthapéïriste de Isidore Isou est une toile vierge où le public est invité à imaginer tous les éléments possibles, concevables ou inconcevables qui pourraient être peints sur cette toile. La forme devient ici virtuelle. L'art infinitesimal anticipe et dépasse l'Art conceptuel ou les "immatériaux" d'Yves Klein. A noter que l'artiste Fred Forest, dans son récent essai-manifeste L'Oeuvre-système invisible (2006), élabore une théorie esthétique proche de l'Art infinitésimal, qu'il cite d'ailleurs comme une de ses références. Nommé aussi "Art imaginaire" ou "Esthapéïrisme" (de esth : esthétique, et de Apéiros : innombrable ou infini en grec), il s'applique à tous les arts.

Cadre super-temporel : Processus esthétique homologué en 1960 venant en complément de l'art infinitésimal. Alors que la plupart des oeuvres d'art sont présentées comme achevées, le cadre super-temporel permet à l'oeuvre de se prolonger indéfiniment dans le temps. Pour se faire, l'artiste devient propriétaire-initiateur et propose un ou des supports vides sur lesquels le public est invité à agir concrètement "pour les siècles et les siècles" (des outils de réalisation étant aussi mis à sa disposition). Celui-ci devient alors co-auteur de l'oeuvre qui quitte sa notion de finitude pour devenir perpétuellement changeante, trans-finie. L'Art supertemporel anticipe ce qu'on appellera plus tard "l'art interactif". Appelé aussi "art sup" ou "cadre sup".

Excoordisme : Quatrième courant esthétique du Lettrisme, homologué en 1991-1992 (abréviation des termes français "extension-coordination"). Se veut un dépassement de l'art infinitesimal. Art basé sur les extensions et les coordinations d'éléments formels connus ou à découvrir (figuratifs, abstraits, lettristes, hypergraphiques, infinitésimaux...), dans l'infiniment grand et l'infiniment petit. L'hermétisme est ici poussé très loin puisque l'excoordisme se préoccupe, entres autres, de se qui dépasse l'entendement humain. Cet art neuf et mystérieux reste encore à explorer de maintes façons. Une des sections de l'excoordisme se nomme le fragmentarisme et se préoccupe du plus petit possible des structures esthétiques, c'est-à-dire les fragments d'éléments formels. Dans l'infiniment grand, l'excoordisme s'intéresse à l'au-delà de l'imaginaire, soit "l'inimaginable comme étant divers et variés, dans l'expression de ses contenants et de ses contenus" (Isou, Manifeste de l'excoordisme plastique, 1992). Nommé aussi "téïsynisme" (abréviation des termes grecs signifiant "extension" et "coordination"), il s'applique à tous les arts.

Méca-esthétique : Terme homologué par Isidore Isou en 1952. La méca-esthétique est la section regroupant les mécaniques des arts. En clair, elle intègre l'ensemble des supports, outils, et substances, (acquis ou possibles) utilisés pour la création artistique. Exemples : toiles, pinceaux, substances picturales (gouache, acrylique, huile, encre...), crayons, stylos, appareils photographiques, pellicules, écrans, socles, objets divers, ciseaux, colles, mobiles, ordinateurs, livres etc etc... Ainsi que des matériaux jusqu'ici non-utilisés en art comme des êtres vivants (mobile vivant), des cadavres (plastique nécrophillique -juste théorisé, jamais réalisé-), des dons d'argent (oeuvre donniste), la parole (peinture parlante, plastique rhétorique), le feu (plastique pyrique), voire même du sang ou des excréments (plastique physiologique)...
Les oeuvres expérimentant les possibilités de la méca-esthétique sont tout simplement appelées : oeuvres de méca-esthétique. Ces oeuvres sont considérées par les lettristes eux-même comme secondaires du point de vue de la création, la véritable création étant la découverte et l'exploration de nouvelles formes (hypergraphie, art infinitesimal, excoordisme, qui succèdent à l'objet figuratif et la forme abstraite).
Il est intéressant de voir que beaucoup de mouvements d'art contemporain ne font qu'expérimenter des mécaniques sans aucune réelle innovation formelle : la nature et ses composants pour le Land Art, les expérimentations du groupe Support/Surface, les ressources analogiques et numériques pour l'Art vidéo et les Nouveaux Médias (Art numérique, Art cybernétique, Net-art...) etc.

Loi de l'amplique et du ciselant : Loi objective énoncée par Isou en 1947 dans "Introduction à une nouvelle poésie et une nouvelle musique". Elle part du constat que toute expression artistique prend deux voies qui se succèdent irréversiblement : d'abord la courbe ascendante (dite "amplique"), où l'art s'extériorise, se développe, s'enrichit, se perfectionne au nom de buts extérieurs (toute la diversités des sujets et des thèmes, explorés tout au long de l'histoire des arts) jusqu'à atteindre un point culminant, puis vient la coube descendante (dite "ciselante"), où l'art renonce progressivement à son anecdote épuisée pour "'instérioriser et rechercher ses particules fondamentales, qu'il réorganisera en des structures de plus en plus denses et hermétiques, en des associations brisées et discordantes, qui, à travers des purifications successives, conduiront à l'anéantissement de ses valeurs" (Roland Sabatier, Le lettrisme, les créations et les créateurs, Z'éditions, 1989).
En art plastique (et particulièrement en peinture), la phase amplique, basé sur la figuration du réel, commence avec Cimabue, Duccio, et Giotto, jusqu'au point culminant du Romantisme avec Delacroix, puis arrive la phase ciselante qui commence aux Impressionistes avec Manet et Monet, et se finit avec les Ready-Made dada de Duchamp (1912), la peinture abstraite de Kandinsky (1910), et les organisations figuratives insolites des Surréalistes. Le Lettrisme arrive après avec une nouvelle particule, base d'un nouvel amplique : la lettre, prolongée par l'hypergraphie, puis dépassée par l'art infinitesimal et l'excoordisme (chacunes de ces structures possédant leur amplique et leur ciselant).
En poésie, l'amplique commence avec les poèmes épiques d'Homère, jusqu'au lyrisme romantique de Victor Hugo, et le ciselant commence avec Baudelaire et se finit avec Tzara et Breton (en passant par Verlaine, Rimbaud, Lautréamont, ou encore Mallarmé).
Dans le roman, l'amplique va de Longus à Victor Hugo, et le ciselant de Stendahl à James Joyce, qui détruit l'anecdote au profit des expérimentations littéraires formelles (lire Finnegans wake), auquel succède un nouvel amplique : le roman hypergraphique.
Cette loi s'applique à l'ensemble des disciplines artistiques. A noter qu'à l'arrivée du Lettrisme, certains arts (le cinéma, la danse, le mime, le théâtre et l'architecture) n'avaient pas encore de phase ciselante, ce à quoi Isou remédiera en 1951 pour le cinéma, en 1953 pour le théâtre, la danse et le mime, et en 1968 pour l'architecture. Nommée aussi "loi esthétique des deux hypostases".

Polythanasie esthétique : De poly : plusieurs, et thanatos : mort. Procédé survenant en fin de phase ciselante et signifiant littéralement "multi-destruction". Théorisée en 1963 par Isidore Isou, la polythanasie consiste en des destructions ou des négations réfléchies, précises et analytiques touchant à l'ensemble des composants d'une oeuvre d'art (supports, formes, agencements, thèmes...). Elle se veut un dépassement de la monothanasie esthétique (employée par les Dadaïstes), considérée comme vague et chaotique. On peut obtenir de la polythanasie par divers procédés comme l'effacement, la biffure, le recouvrement, la ratture, le déchirement, l'emplacement vide, le cache etc., mais aussi des attitudes comme le refus verbal, le mépris ou des injonctions ordonnant au spectateur de ne pas regarder l'oeuvre (ou seulement une partie) ; ainsi que toute action visant à nier, refuter, désorganiser ou gêner l'oeuvre initialement réalisée, et ce, de manière partielle ou totale. La polythanasie permet, d'une certaine façon, de torturer et mettre à mort une oeuvre "amplique" par des moyens à la fois précis, froids et calculés.

Polyautomatisme : Dépassement de l'automatisme surréaliste qui se restreignait au dérèglement instinctif et improvisé des seuls thème et organisation formelle de l'oeuvre, dans les seules disciplines de la peinture et de la poésie. Avec le polyautomatisme, Isou étend ce dérèglement à l'ensemble des composants d'une oeuvre, y compris les outils employés et les supports utilisés (Isou, Le polyautomatisme dans la méca-esthétique, 1960), et l'impose à l'ensemble des disciplines de l'Art, comme la musique, le cinéma, la danse, l'architecture...

Kladologie : Du grec klados, branche, la kladologie se définit comme la "Science des branches du savoir culturel et vital", basée sur une vision "organique" et "arborescente" de la culture. Théorisée par Isou en 1966, elle a pour but de définir, classer, hiérarchiser l'ensemble des disciplines fondamentales et utilitaires crées par l'Homme, réparties en cinq grands domaines (ou branches) principaux : l'Art, la Science, la Théologie, la Philosophie et la Technique, permettant une compréhension plus juste, claire et précise du Savoir humain.

Toméïque : Du grec tomeus, secteur. La toméïque est l'ensemble des composants -ou des secteurs- d'un domaine culturel. Ainsi, toute discipline possède un secteur mécanique (ensemble des moyens, outils et supports d'investigation et de réalisation, comme les pinceaux et les toiles en art, les microscopes et les ordinateurs en science etc.) ; un secteur élémentique, composé des éléments primordiaux de chaque domaine (particules élémentaires en physique, mots et lettres en poésie, nombres en mathématique, points, lignes, surfaces, puis signes en peinture...) ; un secteur rythmique, regroupant toutes les possibilités de combinaison ou d'agencement de ces éléments (opérations mathématiques, compositions picturales ou musicales) ; et un secteur thématique, regroupant l'ensemble des finalités,des buts de chaque territoire culturel.

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